Anthony Le Tallec: «Je suis un affectif»
Buteur, passeur, leader: Anthony Le Tallec a pris une autre dimension cette saison. «C’est parce que je me sens très bien», explique l’attaquant.
Parce qu'il est redevenu un leader décisif, parce qu'il a su se remettre en question cette saison après la relégation, en Ligue 2, loin de ses rêves de jeunesse, Anthony Le Tallec, 30 ans, à VA depuis 2012, est notre Valenciennois 2014. L'attaquant nous a reçus chez lui, ou repose une mini-ligue des champions gagnée avec Liverpool en 2005. Il parle de lui, sa carrière, son avenir.
Valenciennois de l'année.
-Anthony, peut-on dire que vous revenez de loin?
«La saison dernière a été celle de l'échec collectif et pour moi celle de la frustration. J'ai été blessé, trois mois d'arrêt jusqu'en mars. Et je reviens dans une équipe malade. Jacobs me dit de faire deux matchs en réserve. Pas de problème, je prends du temps de jeu. Ça se passe super bien, je marque, je fais des passes décisives. Les jeunes me remercient de mon implication. Je retrouve le groupe et là Jacobs ne me calcule pas. Il ne me fait pas jouer. Jusqu'à ce qu'on soit condamnés. Je joue le dernier match à Toulouse. Et je marque. J'ai trouvé ça dommage...»
-Comment l'expliquez-vous?
«Je ne comprends pas. Le coach était totalement fermé. Il ne parlait à personne, tirait la gueule, on se demandait s'il avait envie de venir à l'entraînement... C'est comme ça, c'est le foot. J'ai travaillé.»
-Comment avez-vous vécu l'intersaison?
«Je ne cache pas que quand VA était très mal, j'ai cherché un point de chute. Pas évident après ma blessure... Heureusement, Borloo sauve le club. Alors c'est sûr, la L2 c'est moins bien que la L1. Mais en voyant arriver Bernard Casoni, des joueurs renommés, Coulibaly avec qui j'ai joué à Auxerre, Abriel, je me dis que l'équipe a quelque chose et je retrouve du plaisir. En plus le coach me fait confiance. Quand il arrive, il me dit que je suis sa base, qu'il compte sur moi. Ce discours me plaît et n'a pas changé depuis.»
-Il se passe quelque chose avec Casoni?
«Son discours fait du bien. Surtout à moi, j'ai besoin de confiance pour donner le meilleur. Je suis un affectif. C'est malheureux à dire mais c'est sans doute pour ça qu'il y a des bas et des hauts dans ma carrière.»
-Avez-vous déjà connu ça avec un autre entraîneur?
«Ça me fait penser à la relation que j'avais avec Paulo Duarte au Mans. On se lançait toujours des pics... Avec Casoni, c'est comme ça. On se rentre dedans mais avec beaucoup de respect. Il a du caractère et j'aime ça.»
-Buteur, passeur, leader: d'accord pour dire qu'on voit un autre Le Tallec cette saison?
«C'est parce que je me sens très bien. Il faut dire aussi que le coach ne me lâche pas. Tous les jours, il me répète que mon attitude est importante, que tout le monde me regarde, que je suis l'exemple. J'en attrape mal à la tête, il me saoule... Mais à force, ça rentre, c'est là. Et je donne tout.»
-Et si vous aviez eu Casoni comme entraîneur à 21-22ans?
«Ça m'aurait sûrement fait du bien. Ma carrière aurait pu être différente.»
-Le rôle de cadre, nouveau pour vous?
«Ça me plaît. Les jeunes viennent me demander des conseils et je partage mon expérience avec plaisir. Et quand ils font des conneries, je suis le premier à le leur dire, parce que je les ai faites aussi... Houri, Dompé, Dupré..., je les aime bien, ils me font rire. Il y a une bonne ambiance.»
«Je réalise mon rêve, je suis pro, je vis bien»
LA CARRIÈRE
-Vivez-vous avec des regrets?
«Pas trop, je fais quand même une belle carrière. Elle aurait pu être meilleure. Mais je réalise mon rêve, je suis pro, je vis bien. J'ai joué en Angleterre, la coupe d'Europe. Mais je suis ambitieux de nature et à un moment donné j'aurais aimé toucher l'équipe de France A. J'ai été présélectionné trois fois. Au Mans, à Auxerre avec Laurent Blanc. À VA on en a parlé un peu quand j'ai fait mon super début de saison(2012-2013). Ce n'est pas passé si loin.»
-Chez les Bleus, il y a peu d'élus quand même...
«Oui, mais je suis pro depuis seize ans et j'avais du potentiel. J'aurais pu et aimé aller voir au plus haut niveau. En tout cas j'aime le jeu. J'ai été formé en nº10 et faire la passe compte autant que marquer. Ça m'a d'ailleurs sans doute desservi car on ne retient souvent que les buts pour un attaquant.»
-Quel est votre meilleur passage?
«À Sochaux, ce fut une super année en championnat et on gagne la Coupe de France. Après, au Mans, j'ai connu la stabilité, ce qui m'a souvent manqué. Je m'y suis épanoui et j'ai pu signer à Auxerre pour jouer la Ligue des champions.»
-Avez-vous encore des rêves?
«Remonter en L1 avec VA, ce serait un vrai kif après tout ce qui s'est passé. Je ne cache pas non plus que l'étranger me tente encore. Surtout l'Angleterre. Une bonne D2 anglaise, ça me plairait. Ce serait bien aussi pour ma fille, pour qu'elle apprenne l'anglais. Et ma femme adore. Après, je suis très bien à Valenciennes. Je l'ai encore dit au coach ce matin(mercredi dernier). Je donnerai tout pour ce club. Je vais de l'avant, je ne regarde pas derrière. Ce qui s'est passé avec les supporters, c'est du passé. Le coach me fait confiance, le groupe me fait confiance. Je veux rendre tout ça et donner au public.»
-Quel est le joueur qui vous a le plus impressionné?
«À Liverpool il y en a eu beaucoup. Steven Gerrard est au-dessus. Lui et Xabi Alonso sont des joueurs incroyables et des mecs très sympas. Michael Owen était aussi impressionnant. Dans la surface, il cadrait dans n'importe quelle position, pied droit pied gauche. En France, Stéphane Sessegnon, la classe mondiale. Après Le Mans il a fait Paris et maintenant il est en Angleterre. Sur le plan de la technique pure, il est fabuleux.»
-Pourquoi êtes-vous si fan du foot anglais?
«C'est un tout, une ambiance. Joueur, tu arrives une heure trente avant le coup d'envoi. Dans le vestiaire, il y avait de la musique, des Mars, des Kit Kat, c'était n'importe quoi, aucune pression. Mais dès le coup d'envoi, c'était parti. La bataille, à fond! En France on se prend la tête à décortiquer l'adversaire.»
-Comment envisagez-vous la reconversion?
«Dans le foot. L'expérience m'a appris qu'on y revient toujours. Plutôt agent. Je ne me vois pas coach. Je ne veux pas de club fixe. Je veux voyager, accompagner. J'ai un réseau car j'ai fait beaucoup de clubs, donc j'ai une carte à jouer. Mais ce n'est pas fini...»
-Pas encore l'âme d'un préretraité?
«Pas du tout. Je ne vais pas lâcher. J'ai encore cinq-six ans devant moi. Au haut niveau. Je pousserai jusqu'à ce que mon corps me lâche. Le foot, c'est ma passion. Je ne ressens pas de saturation. Ça a pu être le cas. Pas cette année.»
R. G.