Legrand : «A force de tirer sur moi, la balle va ricocher»
Malgré la décision de la DNCG de maintenir Valenciennes en Ligue 2, des retards de salaires seraient de nouveau à l'ordre du jour. En coulisses, ça s'écharpe entre Eddy Zdziech, l'actuel président, et Jean-Raymond Legrand, l'actionnaire du club et ancien président, qui a décidé de parler.
«La DNCG vient de maintenir VA en Ligue 2, mais sous un encadrement de la masse salariale. En tant qu’actionnaire, quelle est votre réaction ?
Je suis satisfait de la décision de la DNCG, je pense que Valenciennes mérite au moins sa place en Ligue 2. C'est un travail de longue haleine puisqu'on l'avait déjà sauvé en juillet dernier. VA était tombé très bas, mais on a su sauver le club pour qu'il reste en L2. Cela aurait été une énorme déception qu'on ne soit plus en L2 cette année. Sportivement, c'était très juste. Administrativement, une relégation aurait été une catastrophe.
Pourtant, la situation est encore très précaire. Comme révélé par L'Equipe ce mercredi, il y aurait (encore) des retards sur les versements des salaires, et cela même avec un encadrement de la DNCG. L’avenir du club est-il de nouveau en danger ?
J'ai appris ça ce matin dans L'Equipe. Cela me surprend car il y a une semaine le discours c'était : «Tout va bien, la vie est belle». J’étais donc persuadé du contraire avec les paroles du président Eddy Zdziech. A l'écouter, il était serein pour le club. Sauf que là, on a l'impression que la situation est tout sauf sereine. Franchement, ça m'inquiète ! J'aimerais savoir pourquoi les salaires n'ont pas encore été versés. J'espère qu'ils le seront vite parce qu'on a une saison qui démarre le 31 juillet. Je ne suis pas serein du tout parce que je ne sais pas où en est le club aujourd'hui.
En tant qu'actionnaire, êtes-vous tenu informé des comptes du club ?
La situation financière de Valenciennes, je ne la connais pas. Malgré ma position au sein du club, je n'ai rien reçu sur l'état des comptes. Je suis actionnaire du club à hauteur de 15 %, mais je ne sais pas où l’on en est. Je vais prochainement prendre des décisions pour connaître la situation exacte de nos finances.
C'est-à-dire ?
On doit avoir des réunions régulières, des conseils d'administration et des assemblées générales. Je crois qu'il va falloir y penser sérieusement. Les actionnaires qui sont autour de moi commencent à se poser des questions, et on veut savoir comment cela se passe réellement. On a très peu d'informations. C'est un choix du président actuel, il fait ce qu'il veut. Mais il y a des règles et des lois à respecter. Les choses doivent être faites en bonne et due forme.
Vous estimez que c’est un manque de transparence ?
Non, c'est un manque de communication envers les actionnaires...
Eddy Zdziech n’a pas été tendre avec vous en cours de saison. Il a notamment jugé votre bilan en déclarant : «Je suis serein par le fait qu’on arrive à retrouver des fondamentaux de simplicité, d’humilité et de travail. Ce qui n’est pas le fort de mon prédécesseur.» Qu’en pensez-vous ?
Il parle de moi. Il faut qu'il change de cheval et de fusil. Parce qu’à force de tirer sur moi, un jour, la balle va ricocher... ça suffit ! Tous les jours, il faut qu'il parle de moi à quelqu'un. Qu'il fasse son boulot, qu'il me foute la paix. Et pour ma part, je verrai ce que je ferai.
«Je rappelle que depuis quatre ans, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour sauver le club. J'ai mis 13 M? sur la table. C'est mon argent personnel que j'ai mis pour Valenciennes.».
Vous êtes aussi accusé d’être derrière la déstabilisation de Valenciennes pour récupérer le club…
Je suis resté très calme jusqu'à maintenant. J'ai compté les coups et les points. Encore une fois, j'ai pris la décision de faire autrement. Mais il faut que ça cesse, et si cela ne cesse pas, je prendrai les dispositions nécessaires. Je ferai ce qu'il faut devant les tribunaux. Je n'accepte pas ce qui est dit.
Que réfutez-vous ?
Je rappelle que depuis quatre ans, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour sauver le club. J'ai mis 13 M€ sur la table. C'est mon argent personnel que j'ai mis pour Valenciennes. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de présidents de club qui peuvent dire qu'ils ont fait ça. Le jour où le président actuel mettra 13 M€, il pourra dire qu'il a fait ce qu'il fallait. J'ai subi, et assumé les erreurs de mon prédécesseur avec mon argent. Je suis parti en laissant le club à flot et avec des abandons de dettes de tous les fournisseurs pour que VA puisse repartir sereinement. Il connaissait parfaitement la situation quand il a repris les rênes.
Que reprochez-vous à votre successeur ?
C'est toujours facile de taper sur le prédécesseur. Le passé c'est le passé. Et tant qu'il continuera à parler du passé, l'avenir n'ira pas. Voyons comment sera le futur, et cela ne passera que par les jeunes du club. Ils l'ont sauvé l'année dernière, il faut les conserver à tout prix. Et je rappelle que cette jeune génération, je l'ai recrutée personnellement.
Il y a quelques mois, le président Zdziech annonçait que «les sommes ne sont pas énormes, on ne parle pas de 10 ou 15 millions.» Le manque à gagner serait autour de deux millions d'euros. Pourquoi n'y arrive-t-on pas, alors ?
D'abord, deux millions d'euros, c'est ce qui est annoncé. Est-ce que c'est plus ou moins ? Encore une fois, je ne le sais pas. Ce que je sais en revanche c'est qu'il y a une équipe de jeunes qui arrive. C'est un groupe talentueux que j'ai fait venir, et que j'ai formé lors de mon passage à la tête de VA. C'est tous les U19 qui sont en train de passer pro. La seule chance du club ça serait de vendre un joueur de 16 ans...
Vous parlez de Dayot Upamecano, champion d'Europe U17 convoité par Manchester United et City, et désormais visé par le Red Bull Salzbourg et le Zenith Saint Petersbourg ?
Je l'ai fait venir, et si son transfert peut sauver le club, je serai le plus heureux des hommes. Maintenant, je suis contre le fait de l'envoyer en Autriche ou en Russie, car c'est tuer la carrière du gamin. Il a seize ans... C'est un jeune qui a un potentiel énorme. Aujourd'hui, on va sacrifier le gamin pour la sauvegarde d'un club. On ne va pas chercher à savoir si c'est 500 000, un million ou plus. Je ne connais pas le prix. Il sera presque bradé alors que dans un an ou deux, il vaudra beaucoup plus que ça. Il aura la valeur d'un Fekir ou d'un Varane. C'est le nouveau Varane, et Lens l'avait vendu 12 M€ au Real... Raphaël a été vendu quand il fallait pour sauver Lens. Alors que nous ce petit (Upamecano), on va le brader, et le liquider pour sauver VA.
Estimez-vous que les politiques qui soutiennent l'actuel président ont une part de responsabilité dans la situation du club ?
Ils ont surtout une responsabilité dans le fait qu'ils sont comme un comité de soutien qui remet de l'argent dans le football alors qu'il y a beaucoup de malheureux et de chômeurs. On ne peut pas soutenir en permanence les clubs de foot. Il faut que les clubs s'auto-financent. Pour ma part, je n'ai pas été aidé par les politiques ou vraiment très peu. Ils ont mis le minimum vital quand j'étais là. Ce n'est pas aux administrations de mettre l'argent. C'est à nous.
Que pourriez-vous faire pour le club ?
Ce que je ne veux pas, c'est que Valenciennes meure. Après, je ne sais pas ce qu'il se passe réellement dans le club. Je pense juste que je suis l'homme qu'on ne veut plus voir. Ou l'homme qu'il ne faut pas accepter. C'est leur choix. Mais si demain, il fallait recapitaliser ou voir ce qu'il faut faire pour que le club vive, on regardera. Aujourd'hui, je n'ai aucune demande en tant qu'actionnaire. Concrètement, je pense qu'il faut redynamiser le club en apportant de l'argent pour qu'ils vivent sereinement.
Pouvez-vous le faire ?
Il faut en discuter. Mais si je vous dis que je peux le faire, il faudrait déjà que je sache où en sont les comptes du club. Et s'il fallait faire des choses pour que le club vive, j'y regarderais mais cela ne veut pas dire que j'irais... Mon sentiment c'est que le club pour se refaire doit passer quelques années en L2, et se reconstruire avant de nouveau de viser la L1.
Vous avez perdu 13 millions d'euros dans ce club. Qu'est-ce qui fait que vous avez encore envie de VA ?
Je suis un pur Valenciennois. Avant d'en devenir le président, j'ai été supporter. Je n'ai pas envie que VA meure. On a un stade magnifique et il doit vivre au moins en L2 et pas en CFA2 ou CFA. Il faut se mobiliser pour que ça marche. Si tout le monde se remue un peu, et qu'on arrête les disputes et les «guéguerres» internes, on arrivera à faire des choses.
Pourriez-vous travailler main dans la main avec Zdziech pour le club?
(Il coupe...) Attendez, il y a quelques mois, je lui ai demandé à ce qu'on se voie, et qu'on se mette autour de la table. Je n'ai pas eu de nouvelles. Travailler avec lui, je ne crois pas. Ce n'est pas son choix, et pas le mien non plus.
On dit de Valenciennes que c’est Dallas en référence à la série américaine des années 80. Vous êtes plutôt Bobby ou JR Ewing ?
Je suis JR, je suis celui qu'on fait passer pour le méchant garçon. J'ai sauvé le club pendant cinq ans, et aujourd'hui, je suis le méchant... La cerise sur le gâteau, ce sont les gens au club qui ont été licenciés car ils étaient proches de moi dont mon fils (Arnaud). On s'est séparés d'eux non pas pour des capacités de travail mais pour des raisons de basses politiques... Qu'on arrête de penser à moi, et qu'on me laisse tranquille. Et si on veut revenir vers moi, la porte est ouverte, je suis prêt à discuter, et à tout entendre.»
Nabil Djellit
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